L’agroalimentaire français, de nouveaux horizons en Chine
La Chine, en raison du poids de sa population, doit nourrir 20,5% de la population mondiale sur seulement 9% de la surface labourable mondiale, d’après le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation français. Pour assurer sa sécurité alimentaire, le pays doit donc compter sur les importations. Ainsi, la Chine représente le 7ème marché étranger pour les produits français. La population est friande de produits tels que les vêtements, les cosmétiques ou les véhicules. Cependant, le Made In France agricole demeure succinct.
Disposant aujourd’hui d’un meilleur niveau de vie qu’auparavant, les Chinois sont plus enclins à dépenser leurs revenus dans la nourriture et à acheter des produits français. Ils souhaitent adopter une consommation plus saine grâce à des produits de meilleure qualité, gustative ou nutritionnelle par exemple. Bénéficier d’une traçabilité exemplaire est un facteur indispensable pour les consommateurs, eu égard aux scandales sanitaires à répétition en Chine. La consommation de produits Made In France met aussi en valeur le statut social.
Certains produits français encore peu exportés
La France se positionne en 8ème ou 9ème place en termes d’exportation de fruits et légumes à destination de la Chine. Pourtant, la demande chinoise de telles denrées ne cesse de croître. Selon une étude de l’Ifop Asia de 2015, les consommateurs chinois ont adapté leur régime alimentaire et consomment davantage de fruits (64% des personnes interrogées) depuis quelques années.
Seuls la pomme et le kiwi autorisés en Chine
A l’occasion du salon « Fruit & Vegetable Fair » organisé annuellement à Pékin, il est notable que la France n’exporte que deux fruits en Chine, la pomme et le kiwi. Les exportations de pommes françaises « décrochent » selon le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, en raison de l’ouverture du marché chinois aux pommes polonaises. Quant au kiwi, les exportations se portent bien. Originaire de Chine (la Chine reste d’ailleurs le premier producteur mondial), il est cultivé en France dans le Pays de l’Adour, entre Pau et Bayonne. Son succès est notamment dû à sa traçabilité. Il bénéficie d’un Label Rouge et d’une Indication Géographique Protégée (IGP), gages de qualité.
Mais des avancées sur le baby kiwi, l’échalote et le maïs à éclater
Des événements sont organisés en Chine afin d’approfondir les relations entre les deux pays dans le secteur agricole et agroalimentaire. L’un des derniers rendez-vous en date s’intitule « European Rendez-vous » (novembre 2018). Lors de cette rencontre, l’ambassadeur de France en Chine Jean-Maurice Ripert a plaidé pour « la promotion des fruits et légumes français », avec le soutien de l’interprofession INTERFEL. Des avancées sont promises : les baby kiwis, les échalotes et le maïs à éclater sont attendus prochainement sur les tables chinoises. Concernant les baby kiwis français, un protocole phytosanitaire devrait être signé au printemps 2019 pour en favoriser l’exportation en Chine. Il fera suite au déplacement d’une délégation d’experts chinois en France au printemps 2019.
Le retour des produits carnés français en Chine
Le bœuf, interdit depuis la « maladie de la vache folle »
En 2001, le gouvernement chinois décrète un embargo sur la viande bovine française. Il est la conséquence de l’apparition de l’ESB (Encéphalopathie Spongiforme Bovine) ou « maladie de la vache folle » au Royaume-Uni en 1986, puis en France en 1991. Compte tenu des risques sanitaires (notamment la maladie de Creutzfeld-Jacob sur les humains), la Chine ferme son territoire à la viande française. Néanmoins, depuis 2001, la France est au stade de « risque maîtrisé » et en janvier 2016, il était prévu que le pays passe en « risque maîtrisable ». Seulement, le changement de statut ne s’est pas opéré car un cas d’ESB a eu lieu en octobre 2015. Guy Hermouet, président d’Interbev bovins (interprofession de la filière bétail et viande), rappelle cependant qu’il n’a pas été démontré que l’alimentation était en cause. Cet incident a ainsi engendré un retard dans la restitution du permis d’exporter.
Mais de retour dans les assiettes chinoises
Lors de la première édition de la China International Import Expo (CIIE) à Shanghai en novembre 2018, le ministre français de l’Agriculture et de l’Alimentation Didier Guillaume a demandé à son homologue l’accélération des procédures d’agrément à l’exportation pour les entreprises des secteurs des produits de viande bovine, porcine et de la charcuterie. En janvier 2018, lors du déplacement du président Emmanuel Macron en Chine, les autorités compétentes acceptent d’accueillir à nouveau la viande bovine française sur le territoire chinois.
Le bœuf est la viande la plus chère en Chine depuis 2015 (2 fois plus cher que le porc). Selon Interbev, le marché chinois est « le deuxième importateur mondial de viande bovine avec près de 1,1 million de tonnes importées tous les ans ». La vente de viande bovine est actuellement effectuée par Alibaba.
L’essor de la charcuterie française et la mise en avant de nouveautés
Le gouvernement français souhaiterait par ailleurs augmenter la part des exportations de charcuterie, présente sur le marché chinois depuis 2013. D’ailleurs, en 2014 au Salon international de l’agroalimentaire (Sial), le président de la Fédération française des industriels charcutiers et traiteurs (Fict) Robert Volut en faisait la promotion devant les représentants des autorités douanières et sanitaires chinoises. Cependant, pour accéder au marché chinois, les procédures sont nombreuses et pointilleuses. Les autorités chinoises se déplacent dans chaque établissement français pour l’inspecter puis l’agréer par la suite. En novembre 2018, treize abattoirs de porc et quatre entreprises de charcuterie avaient reçu l’agrément, selon l’adjoint du conseiller agricole français en Chine Thibaut Nancy.
Un vaste marché à séduire
D’autres produits seront probablement proposés à l’export au cours des prochaines années. La France a d’ores et déjà déposé des demandes d’ouverture de marché auprès des autorités compétentes chinoises pour trois produits : l’échalote, le baby-kiwi et le maïs à éclater. Pour le moment, seule celle pour l’échalote a abouti en novembre 2018, à l’issue de l’entretien entre le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation Didier Guillaume et le Ministre de la GACC (l’administration des douanes chinoises) Ni Yuefeng. Le dossier avait été déposé il y a cinq ans, d’après Daniel Soares, responsable marketing international d’INTERFEL.
La Chine dispose de la plus importante population au monde (près d’1,4 milliards en 2017). La classe moyenne chinoise regroupait environ 110 millions de consommateurs potentiels fin 2015. Les volumes importés par ce pays peuvent donc permettre à certaines entreprises françaises de contrebalancer le déclin de leurs ventes en France. En effet, il est possible de miser sur certains morceaux peu appréciés en France et au contraire reconnus pour leurs qualités gustatives en Chine, comme les os.
Cependant, saisir ces opportunités signifie se conformer a minima au marché chinois. L’exemple de la pomme française est frappant : ses caractéristiques « françaises » semblent inadaptées au goût chinois. La texture, la saveur diffèrent beaucoup. En effet, il est nécessaire d’expliquer les produits, de promouvoir leurs usages et spécificités, au moyen de diverses actions de communication et d’événements. Certaines informations attirent davantage le consommateur chinois, comme l’origine du produit, les vitamines qu’il contient (important pour les fruits et légumes, par exemple la vitamine C pour les kiwis français) et la qualité biologique. Croire que les produits français vont forcément plaire au marché chinois est tendancieux. Ce dernier a ses spécificités, et l’adaptation aux palais locaux est primordiale.
Compte tenu du poids agricole et agroalimentaire de la France par-delà ses frontières, elle est en mesure d’aider la Chine dans son ambition de moderniser son agriculture et d’améliorer sa compétitivité. A ce titre, des délégations chinoises sont régulièrement reçues dans les campagnes françaises. Elles se déplacent pour s’informer et se former sur le savoir-faire des producteurs français.