Les marques françaises, en vogue auprès des consommateurs chinois
La Chine est entrée depuis quelques décennies dans une phase d’expansion économique. Auparavant, le pays suivait la doctrine du « tao guang yang hui 韬光养晦 » (« cacher sa brillance et cultiver l’obscurité »), une stratégie de profil bas développée par Deng Xiaoping en 1991. Elle consistait à rester neutre en toutes circonstances, et à se concentrer sur le développement économique de la Chine. La diplomatie incluait également de favoriser des relations d’amitié avec tous les pays.
Désormais, le nouveau schéma de conquête des marchés internationaux consiste à « sortir des frontières » (« zouchuqu 走出去 »). Le principe a été théorisé en 1999 par le Parti Communiste Chinois. Le but assumé est de permettre aux entreprises chinoises d’accroître leur influence sur le marché mondial. Les Instituts Confucius, le financement d’infrastructures routières, ferroviaires ou aéroportuaires dans plusieurs pays, ou encore l’internationalisation des banques d’investissement (AIIB – Asian Infrastructure Investment Bank ; Exim Bank – Export Import Bank of China et la China Development Bank) concourent à cet essor des milieux d’affaires chinois.
L’exemple le plus typique est la stratégie « One Belt, One Road » (OBOR) / « Yidai yilu 一带一路 », renommée Belt & Road Initiative ou Nouvelle route de la soie en français. Le Président Xi Jinping l’a énoncée en septembre 2013. Elle vise la construction de nouvelles liaisons maritimes et voies ferroviaires au départ de la Chine, et à destination de l’Europe ou l’Afrique. L’idée sous-jacente est de faire revivre les anciennes Routes de la soie.
Le luxe à la française, synonyme de qualité et de raffinement
Si la France s’illustre dans de nombreux domaines, la mode et l’art de vivre à la française restent très prisés des Chinois. La France est associée aux symboles de savoir-faire, de qualité et de bon goût. En effet, les compétences et techniques transmises au fil des générations par les artisans du luxe représentent un gage d’excellence. De nombreuses marques existent depuis plusieurs décennies voire siècles. La maison Lanvin, par exemple, est la plus ancienne Maison de couture française encore en activité (depuis 1889). Cet héritage rassure les consommateurs (notamment contre la contrefaçon). Il leur fait aussi appréhender un univers de représentations historiques et de symboles, à l’instar de la culture traditionnelle chinoise.
Le luxe répond aux critères de la classe sociale aisée chinoise. En effet, le modèle chinois est « fondé sur le pouvoir, le savoir et la richesse », ce qui n’est pas en contradiction avec « le modèle aspirationnel occidental de performance et d’accumulation des biens », d’après un dossier de la société d’études française Ipsos. En règle générale, posséder un vêtement de marque ou un accessoire luxueux permet d’affirmer son statut social, son assurance auprès de ses proches. Cela prouve également ses capacités financières.
De plus, le luxe permet de se distinguer, car l’apparence en Chine est primordiale. Cela se rapproche du concept chinois du « Mianzi 面子 », c’est-à-dire la face, l’apparence, « la façon qu’une personne aura d’être perçue en société » selon Pierre Picquart, spécialiste de la Chine. Ainsi, adopter une marque de luxe est une manière de mettre en avant son style de vie. Cela confère du prestige et apporte le respect au sein de son cercle social.
En quête de renaissance, les marques françaises sont plébiscitées par les repreneurs chinois
En dépit de leur renommée, certaines enseignes françaises sont en difficultés financières, voire en redressement judiciaire pour d’autres. La dernière transaction date du 12 octobre 2018, et il s’agit de la marque de prêt-à-porter luxueux Carven, fondée en 1945. Icicle Fashion Group, le nouveau propriétaire promoteur d’une mode écoresponsable très haut de gamme, a fait part de son intention de « relancer la marque Carven en France, en Chine et sur le marché international ». En avril 2018, le groupe chinois La Chapelle réalise sa première acquisition hors de Chine ; il rachète la marque de prêt-à-porter féminin Naf Naf. En février 2018, c’est au tour de Fosun (également propriétaire du Club Med) d’acquérir Lanvin. Le but est de lui permettre d’« entrer dans une nouvelle phase d’expansion ». Enfin, en octobre 2017, la cristallerie Baccarat tombe dans l’escarcelle d’un fonds d’investissement chinois, Fortune Fountain Capital.
Pour les investisseurs chinois, ces rachats sont l’occasion de s’implanter sur des secteurs stratégiques. En effet, les marchés de l’habillement, du tourisme ou des arts de la table prennent une importance croissante en Chine. Cela résulte du développement du e-commerce et des réseaux sociaux. Les fonds d’investissement chinois visent le renouveau et le redéploiement de ces marques. Certains misent avant tout sur l’expansion en Chine, comme le montre l’ouverture de 500 points de vente en Chine à l’horizon 2025 pour Naf Naf. Tandis que d’autres visent une extension internationale voire une diversification (par exemple dans les bars, lounges ou restaurants pour Baccarat).
Le gouvernement chinois encourage cette politique de rachats via ses plans quinquennaux. Il souhaite en effet que la consommation intérieur enrichisse également des groupes nationaux. Jusqu’ici, la quasi-totalité des produits de luxe étaient détenus par de grands groupes mondiaux (Richemont, etc.), notamment français (LVMH ou Kering par exemple). En possédant quelques marques étrangères réputées en Chine, les groupes chinois espèrent également profiter de l’attrait exercé par ces marques légendaires sur les classes chinoises aisées.
Des produits français toujours plus demandés
Le nombre de rachats de sociétés françaises par des groupes chinois montre l’intérêt toujours plus prononcé des investisseurs chinois pour la marque « France ». De plus, le luxe abordable progresse, et les marques françaises attirent toujours davantage de clients. En revanche, des signes d’essoufflement de l’ultra-luxe commencent à apparaître. L’héritage culturel confucéen et la dénonciation de la corruption en Chine a rendu de moins en moins acceptables les signes extérieurs de richesse. A titre d’exemple, le dernier défi à la mode « Vautré dans sa fortune », initié par des enfants de milliardaires russes et repris par les Chinois, a provoqué l’indignation.
Capture d’écran du compte ec24m (le 26/11/18)
De plus, les consommateurs chinois, toujours en quête de nouveautés, se montrent las de porter les mêmes marques que leurs concitoyens. Les produits habituels, disponibles en de multiples endroits, perdent leur exclusivité (les boutiques de luxe ont ainsi investi les villes de rang inférieur en Chine). Il s’agit donc d’une opportunité indéniable pour les sociétés françaises. Le plus important est de se faire connaître au moyen des réseaux sociaux, vecteurs incontestables de l’information en Chine. Ensuite, il est nécessaire de passer un partenariat avec des distributeurs.
L’installation d’une marque dans une culture étrangère est un véritable défi. Une communication adéquate et ciblée est donc primordiale. A titre d’exemple, les Chinois portent beaucoup d’attention au travail des « influenceurs ». De la même manière, les consommateurs chinois tendent davantage à croire et à se laisser influencer par les expériences de leurs proches ou de personnalités qu’ils apprécient.
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